17/12/2018

Deux semaines en Sibérie 🇷🇺

C’est le dimanche 2 décembre que nous foulons le sol sibérien. En gare d’Иркутск (Irkoutsk) l’air est rafraîchi par le vent glacial. La température affichée n’est pas si faible, juste -18 degrés. Mais en ressenti, on avoisine les -30 degrés. Plus tard dans la soirée, cela descendra à -40 degrés de température ressentie. Et là, on ne traîne pas dehors. En prévision des excursions dans la nature, nous nous équipons de semelles isotherme pour protéger nos orteils. L’auberge où nous avons réservé deux nuits est en plein centre-ville. Il faut prendre le tramway à l’ancienne 🚃 pour s’y rendre. On remarque l’arrêt car il y a un regroupement de personnes dans la rue. Mais à part ça, rien qui matérialise l’endroit. On attend quelques minutes douteux de l’endroit. Puis les crissements précédent le véhicule qui s’arrête bien à l’endroit espéré. Une fois montés avec nos gros sacs, une dame fait le tour des nouveaux clients. Elle nous tourne le dos et ne viendra jamais nous demander d’argent. Premiers pas en Russie et on fraude déjà... Il va falloir rentrer dans les règles si on ne veut pas se faire expulser !


Une fois les affaires déposées dans la chambre, un repos s’impose. Le train, bien que couchette, n’est jamais d’un grand repos. Les passagers circulent, la machine s’arrête, des employés discutent d’un bout à l’autre du wagon et puis nos voisins sortent à chaque pause pour revenir en sentant la cigarette... La nuit tombe rapidement, vers 17h. A peine la sieste terminée qu’il est temps d’aller manger. Nous passons le jour suivant à nous promener dans les rues de la ville. Le froid est saisissant. C’est une ville très agréable que nous découvrons. La rivière Ангара (Angara) fume et la neige tapisse le seuil des églises orthodoxes que nous visitons. L’intérieur de ces dernières présente les figures du christianisme avec une abondance de dorures, comme dans les temples bouddhistes. La ville regorge de maisons en bois. Beaucoup sont très joliment ornées autour des ouvertures. Certaines penchent fortement. Les premières découvertes culinaires sont plus que concluantes. Les борщ (borch, soupe de légumes et viande), гуляш (goulasch, bœuf émincé et sauté avec des légumes) et шашлык (chachliks, brochettes) sont excellentes.




Nous reviendrons trois fois à Иркутск par la suite. Histoire d’avoir le temps de bien découvrir cette capitale de la Sibérie et de faire des étapes entre les différents endroits visités. Mais pour le moment, nous partons pour le lac Байкал (Baïkal) et son île principale, Олькон (Olkhon). Le bus passe à côté de notre auberge le matin et la route dure la journée entière. Une fois sorti de la ville, il traverse des collines enneigées. Ce n’est qu’après la pause déjeuner (à midi tapante) que nous entrons dans la forêt. Il faut gratter régulièrement pour y voir quelque chose au travers des vitres. Le chauffage souffle à fond, les vitres se recouvrent de buée qui se transforme rapidement en givre coriace. Le relief se fait de plus en plus variable à l’approche des rives du lac. Le chauffeur fonce tête dans le volant. Les pentes à 12% ne lui font pas peur, même entièrement verglacées, même avec un vent latéral puissant ! Nous arrivons en fin d’après-midi à l’embarcadère. Le lac est recouvert d’une épaisse couche de glace que nos pierres jetées très haut n’arrivent pas à percer. Quand le bateau arrive (ou plutôt, le brise-glace), il manœuvre plusieurs fois pour ouvrir la glace suffisamment et que nous soyons capables de repartir. Pendant la demie heure de traversée, Médy discute avec un toulousain venant rendre service à l’abbé de l’île. Il vit en Thaïlande et a donc vécu un saut de quasiment -60 degrés entre les deux pays. Dès que nous atterrissons, le bus repart à fond sur les pistes en terre.



Les quatre nuits sur l’île, nous dormons chez Нина (Nina). Elle doit avoir dans les 75 ans et reste en pleine forme. Son fils vit avec elle mais on ne le voit pas du séjour. Il est à Иркутск et elle gère donc seule la maison. Sur l’île, il n’y a pas l’eau courante. On a donc une bassine d’eau claire à disposition dans la cabane. On remplît à la louche un réservoir au dessus de l’évier en fonction du besoin et l’eau usée est récupérée dans un seau juste en dessous. Pas de tuyau ou mitigeur, là on palpe bien ce qu’on consomme réellement. Le chauffage est assuré par un beau poêle de masse. Carré et recouvert d’un enduit blanc, tout comme celui d’Aurore la sœur de notre copine Amandine ! Нина nous montre comment s’en servir pour cuisiner dessus. Parfait pour la cuisson des spaghettis à la sauce tomate ! Le lambris qui recouvre murs et plafond donne des airs de chalet de Castres à notre cabane.



À nos premiers pas dehors, le matin, on sent bien le climat sibérien. Le fond de l’air est frais et le vent glacial est puissant. Comme régulièrement au cours de notre séjour en Sibérie, nous sommes rapidement rejoints par un chien. Il profite de notre compagnie pour sortir se promener. Et occasionnellement, réaffirmer son territoire. Nous sommes donc seulement trois sur le site du rocher du chaman. Cette presqu’île rocheuse est le centre spirituel du chamanisme de la région. C’est vrai que quelque chose de mystique s’en dégage. Les embruns du lac se déposent sur les paroies rocheuses ajoutant à l’atmosphère glaciale. On se croirait dans Game of Thrones au delà du mur. Sur le lac, les vagues portent des marmites de glace jusqu’à geler à leur tour et former des dunes de glace. Chaque photo nécessite d’enlever les gants. Et les mains toutes nues, ça prend très vite froid ! On met donc environ 30 secondes pour prendre une photo. Après quoi, il faut bien 5 minutes pour réchauffer les doigts. De toute façon, si on fait le paparazzi, c’est la batterie du téléphone qui prend froid et il s’éteint.





Sur l’île, les seuls endroits pour manger sont des cafés. Ce sont en fait des brasseries simples où l’on sert donc de la nourriture en plus des boissons. À la différence des restaurants, il n’est pas nécessaire d’y être bien habillé. C’est donc dans le кофе центр (café du centre) qu’on se pose pour se réchauffer un peu. Pour le reste de l’après-midi, on retourne se promener dans les environs du rocher du chaman. Le vent s’est intensifié (oui en fait c’est possible...), cela devient presque difficile d’avancer en plus de respirer. Le froid ça fatigue, et c’est crevés que nous rentrons nous reposer au chalet. Les prochaines fois, Médy devra porter les lentilles. Les lunettes, quand on essaye de protéger son visage du vent, ça prend la buée. Et la buée, comme sur les vitres du bus, ça gèle vite quand la température est inférieure à -30 degrés !


Jeudi matin, nous avons rendez-vous avec Саша (Sacha) pour visiter le nord de l’île. C’est un joyeux bouriate qui ne parle pas anglais mais la communication non verbale se passe bien. Il pilote une belle Lada 4x4 et gère les dérapages sur la glace à la perfection. La pop russe vrombi des haut-parleurs quand on slalome entre les arbres. Il fait encore plus glacial que la veille. Heureusement qu’on a la voiture pour se réchauffer entre chaque sortie dans le froid. Les paysages sont surnaturels. À nouveau la glace recouvre les falaises qui se font de plus en plus hautes en approchant de la pointe nord. Non loin de cette pointe se trouve le point le plus profond du lac à 1600 mètres de profondeur. Le vendredi, il nous emmène au sud avec en prime deux arrêts pour patiner sur des parties gelées du lac ! Après une étape sur un point de vue panoramique, on se dirige vers la lagune gelée. Une structure métallique nous attend au milieu de la glace pour chausser les patins. Après quelques glissades, la Lada reprend de l’adhérence et nous emmène au vestiaire de fortune. Depuis les hauteurs, la glace ne semblait pas vraiment étendue. Mais une fois dessus, c’est immense. La sensation est géniale. Par endroits, la glace est pure sur plusieurs dizaines de mètres carré. Les fissures sont les seuls indice pour savoir à peu près l’épaisseur de glace qui nous sépare des profondeurs. Par moment, la glace pousse des cris comme des claquements de corde quand des fissures se propagent. La deuxième patinoire est un fjord où le vent souffle fortement. Tellement que Саша doit mettre la voiture à l’abris quand elle commence à se faire pousser. Après un passage sur une falaise de la côte ouest, il est temps de rentrer se mettre au chaud.






Samedi, nous quittons notre île sauvage. Passage obligatoire à Иркутск pour revenir sur les rives du Байкал le dimanche, à Листвянка (Listvyanka). Dès le lundi matin, nous organisons les jours à venir en fonction de nos envies et des propositions de notre hôte. En 3 jours, nous avons le temps de visiter le russophone musée du lac, de tester notre premier bain russe privé, de parcourir une dizaine de kilomètres sur le chemin de grande randonnée autour du Байкал, d’explorer les raccourcis dans la forêt scintillante, de longer le lac sur la route principale de nuit, au coucher de soleil, sous la brume et sous le soleil ! Il fait bien meilleur que sur Олькон, on apprécie de pouvoir rester plusieurs heures dehors sans congeler. L’expérience la plus folle, c’est le chien de traîneau : installés sur une luge améliorée, nous avons traversé la forêts et les rivières glacées à la vitesse des chiens de compétitions et de leur maîtres expérimentés. Passé la déception de n’avoir « ridé » qu’une heure sur les trois que nous pensions avoir payé, nous nous sommes faits à l’idée que le temps de préparation des chiens et les temps de pauses améliorées faisaient partie du deal ... On est heureux de pouvoir rester plus longtemps que la plupart des personnes croisées à l’auberge. Il y a tellement de beaux endroits partout, qu’on arrive à être frustrés de ne pas avoir prévu plus de temps... Mais c’est l’heure de rentrer sur Иркутск pour le bus du lendemain direction Аршан !




Nous sommes un peu déstabilisés quand on demande notre billet au guichet pour ce bus. La première guichetière nous dit « niet » « tomorrow » alors qu’on s’était renseigné la veille auprès de la réception de l’auberge pour connaître les horaires. La deuxième nous indique quand même la gare ferroviaire pour trouver un autre bus. Heureusement le tramway nous fait traverser rapidement de l’autre côté de la ville. Médy n’avait pas trop envie de faire du stop, et Estelle est aussi soulagée quand le minibus nous embarque. L’arrivée à Аршан au coucher de soleil est très sympathique. Une fois arrivés devant la chambre d’hôtes au milieu des bois, impossible d’entrer. Au téléphone, la personne ne parle que Russe et nous n’arrivons pas à lui faire comprendre qu’on est arrivés. C’est une dame qui promène son petit fils en luge qui nous aide en expliquant la situation au téléphone. Une fois entrés, nous devinons que notre hôte s’excuse de nous avoir laissés dehors. Elle nous présente les différentes maisons en bois : grande cuisine, sauna à réserver, douche et toilettes à côté de notre chambre, lumières de Noël, c’est top ! On est heureux d’y poser nos sacs à dos pour 4 nuits. Ce petit coin de paradis nous permet de bien nous reposer entre les balades dans les montagnes et au bord de la rivière sacrée. Nous croisons de nombreux petits oiseaux, et presque à chaque fois, un chien nous accompagne pour la promenade. Même s’ils ne se montreront pas, on devine qu’il y a des loups, des rennes, des lapins,... grâce aux traces bien nettes dans la neige. Comme il fait moins froid que les jours précédents, la glace est moins solide. On se fait bien peur en essayant de marcher dans les traces d’une voiture au dessus de la rivière : la glace casse sous les pieds d’Estelle dans un bruit surprenant. Demi-tour de suite ! Après plusieurs passages dans les zones sacrées d’Archan : rivière qui guérit, temple bouddhique, stupas, autel de la déesse de la médecine,... Estelle pense au long morceau de tissu Liberty accroché à son sac. Il finit autour d’un arbre en haut d’une falaise sur la route du « love pic » en pensée pour Charlotte et Rémi :) Nous testons aussi de sortir en serviette sur la terrasse du sauna... On rigole bien à la fumée que l’on dégage !





Lundi, c’est le moment de retourner à Иркутск. Le bus n’étant toujours pas à l’heure que nous croyions, on traine dans le parc du complexe thermal puis dans notre café préféré avec wifi. Il nous reste un jour à Иркутск avant de reprendre le transsibérien ! Ces 2 semaines en Sibérie seront passées très vite ! :) Malgré tout, nous avons eu le temps de nous perfectionner dans quelques domaines. Après la Mongolie, on savait estimer les températures négatives en dizaines. Maintenant, on est à peu près capables de trouver la bonne valeur à cinq degrés près ! Les trottoirs glissants n’ont plus de secrets pour nous. On sait maintenant se laisser glisser car on retrouvera bien de l’adhérence à un moment ... Estelle apprend la patience comme une vraie russe. C’est difficile pour elle mais elle ronchonne de moins en moins quand les plats arrivent lentement au resto, quand le bus prévu n’est pas là ou quand le bonhomme est rouge et qu’il n’y a aucune voiture. Médy prend un peu la confiance pour parler russe. Il reconnaît quelques chiffres et certains mots clés. Par contre, il nous faut encore un peu de pratique pour l’estimation de la solidité des rivières gelées. Surtout lorsqu’on porte des crampons aux pointes coupantes ...



2 commentaires:

Dinos a dit…

Bah! vous êtes au bout du monde cette fois!!!
Je dois avoir un vieux dico de russe au fond d'un carton, si tu veux te lancer dans les multiples déclinaisons du langage russe à ton retour :)Medy...
Je vois que l'adrénaline ne vous fait pas défaut, ça pulse de plus en plus!!
Votre plafond pour le plein de bonheur monte de plus en plus haut! Bravo!

les thev's en voyages a dit…

J adore quels paysages incroyables mais aussi me fait froid .... chauds bisous